Ou comment les contrats d’engagement républicain (CER) et les contrats d’engagement réciproque dans le cadre du RSA peuvent impacter les associations dans leur fonctionnement et leurs libertés.

 

Avec Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (C.R.J.) et Jean-Baptiste Jobard, coordinateur du Collectif des associations citoyennes (https://www.associations-citoyennes.net/) (CAC).

 

Les deux intervenants ont présenté des faits, leurs points de vue et recherches de solutions sur la situation récente des associations par rapport aux libertés dont elles disposent. D’autres personnes sont intervenues, faisant part de leurs expériences associatives et de leurs observations et questionnements. 

 

Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, précise que depuis l’adoption de la loi  confortant le respect des principes de la République (CRPR) dite « contre le séparatisme » le 24 août 2021, toute association sollicitant des subventions doit souscrire au contrat d’engagement républicain. Cela implique d’adhérer aux valeurs de liberté, égalité et fraternité et aux principes de la République (égalité femme-homme, dignité humaine, fraternité, etc.) et de ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République. Et aussi, de s’abstenir de toute action portant atteinte à l’ordre public. Par conséquent, si une action est estimée contraire à cela, la préfecture peut décider de retirer ou de ne pas délivrer une subvention à l’association en question. En réalité, selon lui, ce dénommé contrat n’en est pas un, c’est une mesure administrative, un acte unilatéral. Et c’est le même principe qui est mis en œuvre dans les contrats d’engagement réciproque pour les bénéficiaires du RSA.

 

Dans un article du 16 mai 2024, Médiapart recense une trentaine de cas où le contrat d’engagement républicain représente une menace pour des associations. Parfois les préfets mettent la pression sur une association en faisant valoir le non-respect de ce contrat.

 

Il y a eu très peu de contentieux, sauf pour Alternatiba à Poitiers. Certaines associations, comme cette dernière, utilisent la désobéissance civile. La démarche d’Alternatiba, considérée comme une menace de l’ordre public par Gérald Darmanin, n’est pourtant pas si radicale. Aujourd’hui, avec le danger dû au réchauffement climatique p.ex, la possibilité d’user de la désobéissance civile est importante. Au final, ce contrat est utilisé bien au-delà du cadre de protection de la laïcité pour lesquelles il était conçu à la base. Le Théâtre Arlette Moreau, à Poitiers également, qui a des engagements militants forts contre les violence sexistes et sexuelles notamment, n’a pas reçu de subvention publique pour son spectacle "Desopressor 3000". En effet, d’après la direction régionale aux droits des femmes et à l’égalité, cette association ne respecterait pas le CER. La compagnie estime être victime de censure et a déposé un recours en annulation devant la juridiction administrative auprès du tribunal administratif de Bordeaux.

 

Ce contrat constitue ainsi une véritable épée de Damoclès, instaurant un rapport de force généré par l’Etat, lequel s’attribue un fort pouvoir discrétionnaire qui menace la liberté associative et vise à assagir et domestiquer le milieu associatif. Son but est d’éviter toute contestation des mesures étatiques. Or les associations dépendent très largement des subventions pour maintenir des salaires et financer des locaux. Il en résulte une énorme difficulté à maintenir cette liberté associative.

 

 

Jean-Baptiste Jobard compte parmi les membres fondateurs de l’Observatoire des libertés associatives et est coordinateur pour le CAC, Collectif des associations citoyennes, qui œuvre à rassembler les militants du monde associatif. Il est l’auteur du livre « Une histoire des libertés associatives »  (téléchargeable en pdf ici https://www.eclm.fr/livre/une-histoire-des-libertes-associatives/).

 

Se basant sur le livre « Quel monde associatif demain ? (https://www.editions-eres.com/ouvrage/4747/quel-monde-associatif-demain) », il situe le début de l’existence d’un phénomène de répression dans le monde associatif à la fin des années 2010. En réponse à ce contexte, un observatoire des libertés associatives s’est créé en octobre 2020. Ainsi une centaine de cas ont été rigoureusement examinés : les problèmes auxquels les associations ont été confrontées - dans tous les secteurs d'activité et toutes les orientations politiques. Les observateurs ont cherché à étudier les corrélations entre la tenue de certains propos et l’établissement d’une sanction. Ils ont aussi mis en avant l’aspect systémique de cette problématique, notamment depuis l’établissement du Contrat d’Engagement Républicain. 

 

Pour Jean-Baptiste Jobard, le CER amorce une nouvelle ère pour le monde associatif, qui se trouve à présent entraîné dans un système de mise au pas, créant de ce fait une rupture avec la loi 1901. Il questionne le CER : ce texte en apparence anodin est-il vraiment inoffensif ? Ne serait-il pas ambigu voire vicieux, grave, déloyal et même contre-productif ? Qui considère que l’ordre public est troublé ? Est-il légitime que les préfets imposent leur vision de l’ordre public aux associations ?

 

On peut se demander à cet égard ce que deviendrait l’application de ce contrat avec le RN au pouvoir, et sans contre-pouvoir fort : dans ce cas, le pouvoir de dissolution des associations pourrait être très inquiétant.

 

L’auteur attire notre attention sur la différence qui existe entre la liberté d’association (revenant au fait de créer une association), qui est efficiente, et celle des libertés associatives (de manifestation, d’expression, d’opinion et de création) qui, elles, sont menacées. A ses yeux, il est ainsi primordial de défendre ces dernières.

 

Que peuvent faire les associations pour défendre leurs libertés associatives ?

 

La piste de l’alliance avec certains élus locaux semble très importante dans cet objectif : s’appuyer 

sur les pouvoirs locaux pourrait aider à mettre autre chose en place. Des défenseurs des droits humains peuvent être consultés également et le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) qui pourrait constituer une ressource. Et enfin, un système d’auto-défense peut se construire en observant, se documentant, en accompagnant les structures, en cherchant comment les libertés associatives sont défendues. Et une centaine d’associations ayant le même objet statutaire pourrait se regrouper pour contrer l’avis d’un préfet… 

 

 

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