L'économie sociale et solidaire a longtemps été un concept flou, sans définition juridique claire. Ce n'est qu'en 2014, avec la loi relative à l'économie sociale et solidaire, dite loi Hamon, que l'ESS a reçu une définition officielle, qui la définit “comme un mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l'activité humaine”. Elle comprend les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations et certaines sociétés commerciales qui par leurs statuts remplissent les conditions prévues par la loi du 31 juillet 2014. Cette loi a également permis de structurer la représentation nationale et régionale pour promouvoir le développement de l'ESS.

 

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« La loi Hamon n’est pas arrivée par hasard, souligne Jean-Louis Cabrespines, Délégué général du Ciriec France, ancien membre du Conseil économique social et environnemental, à l'occasion de la rentrée de la Chaire ESS organisée en octobre dernier à Sciences Po Grenoble. Le 15 décembre 1981, paraît le premier décret de création d’une délégation à l'économie sociale dont la mission proposait d'aider au développement des mutuelles, des coopératives ainsi que des associations dont les activités de production les assimilent à ces organismes qui interviennent dans le champ de l’économie sociale. Puis dix ans plus tard, entre 1991 et 2010, l'économie sociale est rattachée à divers ministères relevant tous de la sphère sociale. Ce n’est qu’après l’élection de François Hollande en 2012, que la délégation à l'économie sociale fut rattachée au ministère de l’économie. »

Avant la loi Hamon, l'ESS était définie comme un ensemble d'entreprises qui partagent des principes communs, tels que la gouvernance démocratique, le partage des bénéfices et l’utilité sociale. La notion de solidarité était absente de cette définition, mais elle a été ajoutée par la loi pour souligner l'importance du lien social dans l'ESS. La loi Hamon a aussi permis de définir le périmètre de l’ESS et de souligner l'engagement de ce secteur en faveur de la justice sociale, de l'inclusion et de la protection de l'environnement.

La loi Hamon, une reconnaissance et des limites…

Mais selon Michel Abhervé, la loi Hamon a aussi ses limites : « Car elle a contraint les Chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS), dont la mission est de représenter, promouvoir et soutenir les entreprises de l'économie sociale et solidaire au niveau régional, à fusionner entre elles. Ce qui a permis en 2017, par exemple, à la CRESS Auvergne d’absorber la CRESS Rhône-Alpes et ses déficits », a ironisé le professeur associé à l'université de Paris Est Marne la Vallée. L’intéressé a aussi évoqué l’impact des lois post-Hamon sur le paysage de l’ESS, comme la création des sociétés à mission de la loi Pacte de 2019 qui permet à une entreprise commerciale qui se donne, en plus de son but lucratif, un ou plusieurs objectifs sociaux ou environnementaux.

« Mais elle brouille les pistes à cause de son manque de clarté et de précision, car les entreprises commerciales ne partagent pas les mêmes principes que les entreprises de l'ESS, notamment la primauté de l'homme sur le capital et la gestion démocratique. »  

 

Une loi sans retour de données statistiques 

L’article 12 de la loi Hamon, qui permet de suivre l'évolution de l'ESS et de collecter des données sur les entreprises de l'ESS (leur nombre, leur taille, leur secteur d'activité, leur chiffre d'affaires, leur emploi et leur impact social) a aussi retenu l’attention de Michel Abhervé. « Or, l'État ne joue pas le jeu et ne produit pas de données statistiques sur l'économie sociale et solidaire », a assuré l’intéressé. Nous ne savons pas combien d'entreprises commerciales de l’ESS y figurent (ce qui pourrait limiter la compréhension et l'évaluation du secteur NDLR) ».

Pour autant la loi Hamon permet aujourd’hui à l’ESS de se positionner comme un secteur à part entière de l'économie française et de contribuer à sa reconnaissance par le grand public et les pouvoirs publics. « Mais son évolution doit être progressive et inclusive, en concertation avec les acteurs de l'ESS (associations, fédérations et entreprises de l’ESS) », a lancé Armand Rosenberg, président de la CRESS Aura, Directeur général du groupe coopératif Dombinnov. « Parce que la loi doit être le fruit de la construction du monde réel de l'économie sociale. Elle ne doit pas être issue de l’économie en chambre conçue et développée par des experts ou des décideurs, a enchaîné l’intéressé. Cependant, à l’échelle des territoires et de certains secteurs d’activités, on voit se structurer des modes d’agir qui vont nous amener à évoluer dans la bonne direction », a assuré Armand Rosenberg.

Avant la Loi Hamon, l’Ess en Isère était déjà en pleine croissance

Pour Elizabeth Debeunne, Vice Présidente en charge de l'Economie Sociale et Solidaire et circulaire chez Grenoble Alpes Métropole, la loi Hamon de 2014 a permis de donner un cadre juridique, une visibilité et une reconnaissance à l'économie sociale et solidaire. Elle a contribué à attirer de nouveaux acteurs et à favoriser son développement. « Mais elle n’a pas été essentielle pour notre territoire, puisque nous étions déjà engagés dans cette démarche de développement de l’ESS, via l’InnoTrophée de Grenoble par exemple, rappelle l’intéressée ». Un concours de l'innovation sociale qui chaque année est organisé par la Chambre de commerce et d'industrie de Grenoble-Alpes et la Caisse des dépôts et consignations, avec le soutien de Grenoble Alpes Métropole. En juin dernier dans la catégorie ESS, la 14e édition de ce concours annuel a d’ailleurs récompensé l’association Saint-Agnès qui accompagne des personnes en situation de handicap.

Ainsi Grenoble est une ville historiquement engagée dans l'économie sociale et solidaire. Dès le XIXe siècle, la ville a vu naître des initiatives sociales et solidaires, telles que la première mutuelle d'entraide des gantiers en 1803, les mutuelles féminines et la pharmacie mutualiste au début du XXe siècle, la Ruche Populaire à Saint-Bruno, ou encore le premier centre de planification en 1961.

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Pour en savoir plus : Loi Hamon du 31 juillet 2014 

Sachez que l’ESS est une réalité locale, nationale et internationale reconnue le 18 avril 2023 par l'assemblée générale des Nations Unies. Elle est ancrée dans les territoires et les communautés. Elle est portée par des acteurs locaux qui sont engagés dans la transformation sociale et environnementale.


Hommage à Danièle Demoustier

En marge de la table ronde, les représentants de la Chaire ESS ont rendu hommage à Danièle Demoustier, pionnière de l'économie sociale et solidaire, décédée le 7 février 2023.

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Danièle Demoustier a également joué un rôle important dans l'élaboration de la Loi ESS de 2014, qui vise à soutenir et développer ce secteur. Elle a participé à la création du Mois de l'ESS, une initiative annuelle qui vise à promouvoir l'ESS auprès du grand public. Mais elle a également été impliquée dans le développement de l’association Alpes Solidaires, qui depuis 2004 œuvre à la promotion et au développement de l'Économie sociale et solidaire sur l'agglomération, et plus largement en Isère. 

 

 

Patricia Yvars pour Alpes Solidaires

Enseignante et chercheuse, Danièle Demoustier a consacré sa carrière à la promotion de l'ESS. Elle a notamment créé et dirigé le Master "Politique de développement des activités et entreprises d'économie sociale" à Sciences Po Grenoble. Elle était une fervente défenseuse des valeurs de l'ESS, qu'elle voyait comme un secteur économique "en pleine croissance". Elle a été décorée chevalier de la Légion d'honneur en 2002, puis élevée au grade d'officier en 2012.

« Danièle était impressionnante, rigoureuse et avait cette capacité d'accompagner et d'encourager les étudiants à comprendre l’économie sociale et solidaire. « Tous ceux qui l'ont connue ont eu une chance incroyable », a souligné Sabine Saurugger, directrice de Sciences Po Grenoble (UGA).

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