Le rapport Frouin « Réguler les plateformes numériques de travail » remis au Premier ministre le 1er décembre dernier, met en avant la Coopérative d’Activité et d’Emploi (CAE) pour sécuriser les travailleurs de plateformes numériques.
En réponse, la Confédération générale des Scop invite les pouvoirs publics à travailler à un véritable plan de développement des plateformes coopératives afin de construire une solution durable pour tous les travailleurs concernés.
Il existe déjà des coopératives de travailleurs autonomes qui développent et gèrent collectivement une activité mobilisant une interface numérique. C’est le cas de plusieurs SCOP (Sociétés coopératives et participatives) de livraison à vélo et SCIC (Sociétés Coopérative d’Intérêt Collectif) assurant du covoiturage ou de la location de voitures partagées. Les Coopératives d’Activité et d’Emploi pourraient aussi accueillir ces travailleurs parmi les 12000 entrepreneurs existants.<
Ce choix coopératif constitue un modèle alternatif qui ne demande qu’à se développer. C’est d’ailleurs déjà le cas dans le secteur de la livraison à vélo puisque nombre de travailleurs pour Deliveroo ont découvert ce mode d’entreprendre et ont créé ces dernières années des Scop dans la plupart des grandes villes françaises. A Grenoble, c’est Sicklo, une équipe de 8 livreurs à vélo, travaillant pour différentes plateformes, qui ont décidé de se réunir en coopérative. L’objectif étant de pérenniser et de sécuriser leur activité tout en arborant les valeurs de solidarité et d'utilité sociale et environnementale qui à la fois les portent individuellement et les rassemblent. Avec le confinement, le nombre de commandes à explosé dans l’agglomération grenobloise (Sicklo a multiplié son chiffre d’affaires par 5 pendant cette période) les rendant très optimistes pour l’avenir.
Le vrai sujet porte sur le modèle économique des plateformes coopératives, dont l’essor repose principalement sur l’aspiration des travailleurs à un autre modèle de société. Il s’agit aussi de tirer vers le haut le droit des travailleurs jusqu’ici « indépendants », comme le préconise le Conseil National du Numérique
Les plateformes numériques de travail sont à l’origine de nombreux changements, tant en matière d’emploi et d’autonomie, qu’en termes économique et concurrentiel, technologique ou numérique. Elles constituent à la fois d’extraordinaires opportunités de croissance en offrant la possibilité de corriger des dysfonctionnements du marché traditionnel ou en réduisant les coûts de transaction. Mais cette intermédiation numérique, si elle permet une agilité et une réactivité sans précédent, est aussi à l’origine de souffrances inédites au travail. Notamment celle de la frontière entre vie privée et vie professionnelle. Ces plateformes ont encore besoin d’être mieux qualifiées juridiquement (par exemple : doivent-elle être regardées comme des opérateurs de service ou de purs services d’intermédiation numérique?). Le dialogue social est aussi en cours de structuration, essayant de transformer positivement la relation de défiance entre les plateformes et les travailleurs. Ce dialogue ne peut se résumer à de simples consultations pilotées par les plateformes, mais doit être dans l’équilibre entre travailleurs et plateformes. Ce sera à la puissance publique (l’État) d’assurer cet équilibre.
Giovanella Frédéric pour Alpesolidaires