Entretien avec Nicolas Guingand, Consultant spécialisé en accompagnement de projets de création, reprise et transmission au sein de l’URSCOP Auvergne-Rhône-Alpes, Agence des Pays Alpins.
Quelle est l’histoire de l’URSCOP ?
Nicolas Guingand : L'histoire des Unions Régionales des Sociétés Coopératives (URSCOP) s'inscrit dans le mouvement coopératif initié au XIXe siècle. Ces unions se sont constituées un peu comme des syndicats professionnels au service des SCOP. Ce sont les SCOP elles-mêmes qui se sont fédérées en vue de mutualiser leurs moyens pour pouvoir se doter d’outils financiers et d’accompagnements juridiques. C’est de là qu’est née la Confédération Générale des SCOP, l’organisation faîtière, puis les Unions Régionales des SCOP dans un second temps.
L'URSCOP Auvergne-Rhône-Alpes a été créée en 1947 et son activité est répartie sur quatre agences : à Lyon, Grenoble, Valence et Clermont-Ferrand. À Grenoble, l’Agence des Pays Alpins couvre les départements de l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie, et accompagne une quinzaine de nouvelles créations de SCOP et SCIC par an.
Comment l’URSCOP participe-t-elle à l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) ?
Les coopératives sont des acteurs historiques de l’Économie Sociale et Solidaire, au même titre que les associations, les mutuelles et les fondations. Ce qui est intéressant dans les coopératives, c’est qu’elles sont ancrées dans l’économie marchande et « se confondent » avec l’économie classique. Ce sont des entreprises « infiltrées » dans l’économie traditionnelle et qui diffusent les valeurs de l’ESS.
Aujourd’hui, à l’URSCOP Auvergne-Rhône-Alpes, nous avons pour mission d’accompagner et de fédérer les entreprises coopératives de la région. Et avec notre incubateur, Alter’Incub, nous soutenons également des projets d’innovation sociale en phase d’émergence [à cet égard, voir notamment les programmes Entreprendre demain et Bâtir demain, ndlr].
Pourquoi avoir rejoint Alpes Solidaires ?
Je pense qu’il est important d’avoir des réseaux locaux qui permettent aux acteurs de l’Économie Sociale Solidaire de discuter entre eux. Entre familles de l’ESS, on n’est pas si proche que ça : entre le monde associatif et le monde coopératif, c’est même assez hermétique en réalité. Alpes Solidaires a cette vocation de rassembler, qui selon moi, est essentielle. Tout comme de pouvoir porter des événements en commun et une voix collective à l’échelle locale.
On a encore besoin de faire connaître et d’expliquer ce qu’est l’ESS, et tous les moyens sont bons. L’ESS est encore trop peu connue pour faire l’impasse [sur un réseau comme Alpes Solidaires]. D’autant que dans l’ESS, il y a des réalités différentes et qui peuvent se confondre avec des initiatives d’entreprises qui cherchent à se donner plus de vertus : je pense notamment à la RSE1 ou aux entreprises à mission2. Nous avons un rôle d’information et de pédagogie, notamment au travers d’Alpes Solidaires, mais aussi à notre niveau, pour aider à cette clarification. Il faut être vigilant à ce qu’il n’y ait pas une forme de récupération des principes de l’Économie Sociale et Solidaire pour en faire du marketing.
Quel avenir imaginez-vous pour l’URSCOP dans la société du futur ?
On rêverait que le monde soit un peu plus coopératif et que l’ESS ne soit pas un pan de l’économie réparatrice, mais plutôt transformatrice.
J’aimerais, dans un monde futur, qu’on n’ait plus à expliquer et à justifier à quoi sert l’ESS : que l’Économie Sociale et Solidaire devienne un peu plus une norme, ce serait ça, pour moi, la vraie victoire. Dans la pensée dominante, il est normal de créer une SAS ou une SARL, mais lorsqu’on crée une SCOP ou une SCIC, on nous demande de justifier pourquoi on le fait et quel est l’intérêt de s’inscrire dans le champ de l’ESS. On confond aussi ESS et activité non lucrative. Or, on peut très bien faire partie de l’ESS et exercer une activité marchande, rémunératrice, voir très rémunératrice. Le fait d’appartenir à l’ESS permet juste de se poser les bonnes questions : comment partage-t-on les bénéfices ? Comment sont-ils réinvestis ? Quelle gouvernance met-on en place pour assurer la pérennité du projet ?
Je souhaiterais aussi que les coopératives et l’ESS ne soient plus une économie de réparation des dégâts du capitalisme. Aujourd’hui, on en a régulièrement l’exemple sur le territoire avec des entreprises qui se tournent vers des modes de gestion coopératifs dès lors que l’activité économique décline. Il faudrait pourtant raisonner à l’inverse : lorsqu’une activité économique est rentable, une gouvernance coopérative pourrait permettre de mieux gérer les ressources, de privilégier l’intérêt collectif et le long terme plutôt que les intérêts à court terme. Voilà, le rêve pour demain.
1 La Responsabilité Sociale (ou Sociétale) des Entreprises (RSE) correspond aux stratégies mises en place par une entreprise pour introduire, dans ses activités, des préoccupations sociales, environnementales et économiques. Concrètement, la RSE incite les entreprises à adopter des pratiques plus éthiques et durables.
2 Une entreprise à mission est une société à laquelle a été attribuée de la qualité « société à mission ». Pour obtenir cette qualité, la société doit intégrer, dans ses statuts, des objectifs sociaux et/ou environnementaux.
Propos recueillis par Floriane Bajart pour Alpes Solidaires
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