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L’atelier autonomie et conditions de travail s’est tenu en trois temps. Il a tout d'abord permis de donner la parole aux participants via un système d'interviews croisés, avant d'évoquer les grandes mutations dans l'organisation du travail et enfin d'explorer la notion d'entreprise "semi-libérée".

 

Les interviews croisées, révélatrices des limites inhérentes à la notion d’autonomie

 

Après une brève introduction sur l’ANACT et ses missions, M. Clément Ruffier a proposé aux participants d’être acteurs d’interviews croisées. C’est ainsi que des échanges par binôme ont permis de mutualiser les expériences, mais également les aspirations, les attentes et les limites de l’autonomie au travail.

Responsables associatifs ou encore salariés de sociétés coopératives (SCOP) ont évoqué à tour de rôle leur rapport à l’autonomie comme condition nécessaire mais finalement insuffisante au bien-être au travail. C’est ainsi que certains participants ont souligné la nécessité de distinguer les notions d’autonomie et de liberté. D’autres, ont mis en lumière l’impératif d’instaurer un cadre au sein de l’entreprise.

Profitant de cet espace d’expression libre, une responsable associatif a rappelé l’urgence de donner la parole aux « autonomes », souvent jeunes diplômés, qui exposés à trop d’autonomie, auront le sentiment d’abandon ou poursuivront leur carrière sous le statut d’indépendant. 

Enfin, et surtout, c’est le risque d’un conflit entre l’autonomie et le manque d’accompagnement, qui a pu ressortir de la mutualisation de ces échanges. Le risque d’une autonomie source de souffrance a été mis en lumière. L’autonomie n’étant pas innée, certains participants ont rappelé l’importance d’un accompagnement dans cette dernière. 

Partant de considérations plus philosophiques, certains participants se sont aventurés sur le thème du droit à l’erreur, notamment au bénéfice des jeunes diplômés. 

 

In fine, les interviews croisées auront permis l’élaboration de quatre postulats.

Le premier postulat étant que les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) disposent davantage d’une sensibilité aux risques et aux limites de l’autonomie au travail.

Le deuxième postulat étant que l’autonomie n’est pas toujours recherchée.

Le troisième postulat étant que l’autonomie individuelle présente des enjeux différents de l’autonomie collective, et doit se distinguer en ce sens.

Enfin, le quatrième postulat étant que l’autonomie ne peut exister que dans un cadre prédéfini. 

 

Le point histoire, évocateur des grandes mutations de l’organisation du travail contemporain 

 

S’appuyant notamment sur les travaux de Frédérique Alexandre-Bailly - professeure associée en sciences de gestion à l'ESCP Europe  - M. Clément Ruffier a entamé la deuxième partie de l’atelier en évoquant les mutations du management en entreprise. Le management est en effet passé d’une logique « d’autonomie prescrite » à une logique « d’autonomie proscrite ». L’idée étant que l’autonomie serait inhérente au travail, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Cependant, c’est bien la question de la reconnaissance de l’autonomie qui se pose dans l’étude du management contemporain. 

Les analyses de M. Clément Ruffier ont mené ce dernier au constat que l’économie contemporaine ne suit pas un modèle « post-tayloriste-fordiste » mais qu’il s’agit plutôt d’un modèle néo « tayloriste-fordiste ». 

 


Pour rappel, Frederick Winslow Taylor proposait dans son modèle économique des années 1880, une « organisation scientifique du travail » impliquant une double division de celui-ci. 

La division verticale du travail permettrait d’établir  une séparation stricte entre les ingénieurs « cols blancs », supposés penser et concevoir les tâches ; et les ouvriers « cols bleus », supposés exécuter les tâches. 

La division horizontale, elle, aurait pour but la répartition optimale entre postes de travail, de façon à « minimiser les doublons et les ambiguïtés ». Le but étant de spécialiser chaque ouvrier dans l’attribution d’une tâche et, in fine, d’en quantifier la production. 

En 1908, Henry Ford, lui, aura été l’un des précurseurs du travail à la chaîne au sein des usines. C’est ainsi que dans les chaînes d’assemblage des voitures, le travail est apporté à l'ouvrier (et non l'inverse). Ce dernier n'a alors plus qu'à exécuter des opérations limitées et strictement définies. À un ouvrier, correspond désormais une tâche. 

En bref, dans le contrat salarial proposé au début du XXème siècle, le salarié (en particulier l’ouvrier) perd en autonomie. Celle-ci est remplacée en équivalent par la rémunération. 

Le modèle de Ford propose par ailleurs d’augmenter la rémunération afin de rendre le travailleur consommateur et de fidéliser ce dernier. L’idée étant que l’ouvrier achète la voiture qu’il a lui-même contribué à fabriquer.


 

Dans l’ère néo « tayloriste-fordiste », le management redécouvre la notion de l’autonomie. 

Un nouveau courant, porté notamment par,  « L’école des relations humaines » se saisit de la question et propose des protocoles scientifiques. Ces protocoles expérimentent les variations inhérentes au cadre de travail. Il s’agira par exemple d’analyser les modifications en termes de productivité lorsque l’on change l’intensité de la lumière dans un lieu de travail.  

Les conclusions des ces protocoles expérimentaux sont probantes et le constat demeure le suivant :

quelque soit le facteur que l’on fait varier, le simple fait d’apporter une attention sur les travailleurs, augmente leur engagement et, par répercussion, leur productivité. 

Toujours, dans cette logique de recherche de l’autonomie, le courant « socio-technique » - essentiellement présent en Angleterre et dans les pays d’Europe du Nord – propose d’optimiser l’engagement des travailleurs et leur autonomie en mettant en place un système de travail en îlot. 

L’idée sous-jacente étant de fixer aux travailleurs des objectifs à atteindre, mais de les laisser libres de décider de la méthode à employer. 

Le management de ces écoles de pensée entend percevoir les notions d’aléas, de marge de manœuvre, et s’achemine vers l’idée de « semi-autonomie ». 

 

L’enjeu central de l’entreprise « semi-libérée », un idéal à atteindre?

 

L’évocation des mutations du management, aura permis aux participants d’arriver à une analyse du travail contemporain. Ainsi, les divers témoignages qui ont succédé au “point histoire” auront permis d’arriver à la conclusion suivante : l’époque contemporaine témoigne d’un changement en termes d’organisation du travail. Le nouveau management est révélateur de l’acheminement d’une autonomie collective vers une autonomie individuelle. L’idée d’une bureaucratie qui freinerait le travail est désormais mal perçue.

 

C’est dans ce contexte que la notion d’entreprise « semi-libérée » est notamment proposée par le docteur en psychologie Isaac GETZ. Ces nouvelles écoles de pensée proposent d’instaurer au sein de l’entreprise un « état d’esprit », une « philosophie », puis de laisser les salariés décider des modalités de mise en œuvre. 

Aujourd’hui, l’autonomie demeure un marqueur fondamental des conditions de travail du secteur tertiaire. Et il est communément admis que l’absence totale d’autonomie reste un risque au travail. 

 

Un autre enjeu majeur est celui de l’injonction à l’autonomie. En bref, l’autonomie subie, l’auto-gestion poussée à son paroxysme sont autant de limites à considérer. 

Partant de ces considérations, la question du burn-out se pose également.

Un travail de « socio-analyse » pourrait et devrait être mis en place afin de prévenir ces risques.

 

 

écrit par Inès Haroune

 

 

 

 

 

 

 

 

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