La Chaire ESS de Grenoble faisait sa rentrée en partenariat avec Alpesolidaires la matinée du 13 septembre avec une conférence « ESS, militante, politique ou partisane ? » et trois ateliers : 

  1. ESS et politiques publiques de l’emploi
  2. ESS et libertés associatives : questionnements suite à la mise en place du Contrat d’Engagement Républicain
  3. ESS et vivre ensemble : le contrat social peut-il devenir marchand ? 

 

Conférence 

 

Les intervenant·es  

 

Cyril Kretzschmar : vice-président d’ENVIE Rhône Alpes (recyclage de gros électroménager, déchets électriques et électroniques) consultant en stratégies publiques d’OXALIS, administrateur dans une structure qui recycle les matières plastiques. Élu écologiste et conseiller régional Rhône Alpes.

Laurent Pinet : président de la Fédération Coorace (réseau national de l’ESS qui rassemble 600 entreprises sur le territoire) et co-directeur d’Isactys (emploi, citoyenneté et développement du territoire entre l’Isère et la Savoie). 

Frédérique Pfrunder : ancienne déléguée générale du Mouvement Associatif. Membre du bureau d’ESS France à la Réunion.

Stefan Chirtu : administrateur Isère de l’URSCOP et co-gérant de Web Alternatif.

 

L’ESS est traversée par des questions et des projets politiques depuis sa naissance au début du XIXe siècle. Dès 1896, l’Alliance Coopérative Internationale (ACI), porte parole fédératrice des coopératives fondée tout juste un an auparavant, se déclare politiquement neutre. Une position qui s’est vue, une nouvelle fois, remise en question cette année lors de la dissolution de l’Assemblée Nationale au mois de juin. Mais alors, l’ESS est-elle politique, militante ou partisane ? Comment une organisation de l’ESS peut-elle exprimer une position politique ? Comment les personnes qui font l’ESS au quotidien peuvent-elles construire un projet politique de manière collective ? Autant de questions qu’Amélie Artis, animatrice de cette conférence et responsable de la Chaire ESS de Grenoble a pu poser aux intervenant·es de cette matinée. 

 

Comment vos réseaux se sont-ils saisis de l’actualité politique (notamment la dissolution de l’assemblée nationale) ? 

 

« On a eu des débats en interne pour trouver le bon positionnement puis on a fait appel à la mobilisation à voter pour faire barrage à l’extrême droite avec des communiqués de presse, des messages sur les réseaux sociaux et de la communication envoyée aux adhérent·es. » 

- Laurent Pinet

 

« Sans être partisan·es,  on a rappelé, dans ce contexte d'urgence, que certaines valeurs socles de l’ESS ne sont pas compatibles avec certains projets politiques. » 

- Frédérique Pfrunder 

 

« ENVIE c’est 52 entreprises en France avec une fédération à laquelle on adhère, on a donc cherché à parler d’une seule voix concernant nos valeurs politiques. »

- Cyril Kretzschmar

 

Quelles étaient les motivations de vos prises de position ? 

 

« Le débat s’est fait au plus proche des salarié·es en insertion qu’on accompagne. Les dangers qui pesaient sur l’insertion étaient suffisamment graves pour qu’on parle d’une même voix. Cependant, notre prise de position nous a exposés aux critiques, nous avons perdu des adhérent·es mais nous en avons aussi gagné. » 

- Laurent Pinet

 

« La tension dans le milieu associatif est de plus en plus forte avec le nouveau Contrat d’Engagement Républicain* qui nous amène à nous questionner sur ce qu’est la liberté associative et comment la conserver. Notre liberté de parole fait partie de notre force, quand bien même on est concerné par les pouvoirs publics. Ceci étant, nous avons explicitement affirmé notre désaccord avec ce contrat. » 

- Frédérique Pfrunder 

 

« Nous avons des personnes au niveau national qui sont chargées d’établir un dialogue politique, notamment quand des textes nocifs pour le monde coopératif menacent de passer à l’Assemblée. Un tiers des sociétés coopératives ont une commune à l’intérieur de leur gouvernance, on voit alors plus clairement le lien direct qui se tisse avec la politique mais ce n’est pas parce qu’on change de parti politique au sein de la commune que ça change les coopératives. » 

- Stefan Chirtu 

 

Quelles sont les tensions que vous rencontrez ? Quels leviers vous ont permis d’avancer plus sereinement ? 

 

« Dans les associations on voit bien que les dernières actualités politiques ont créé des tensions qui s’accumulaient déjà depuis quelques années. Néanmoins, l’ESS a plein de clés pour faire émerger le récit et projeter un avenir souhaitable. » 

- Frédérique Pfrunder 

 

« L’indignation a été un puissant moteur de solutions. L’organisation de la société civile a été un succès. »

- Laurent Pinet 

 

*Contrat d’Engagement Républicain est un document que les associations doivent signer pour bénéficier de subventions publiques ou d’un agrément de l’Etat. Entré en vigueur en janvier 2022, il a été créé pour garantir le respect des valeurs et principes de la République, tels que la liberté, la fraternité et la laïcité mais est contesté par de nombreuses associations. 

 

Ateliers

 

  1. ESS et politiques publiques de l’emploi  

Sous l’impulsion de Philippe Urvoa, Chargé de développement chez Alpes Solidaires, qui animait l’atelier « ESS et politiques publiques de l’emploi », les participants se sont interrogés sur la façon dont les acteurs de l’ESS pourraient peser davantage sur les pouvoirs publics et sur leurs orientations, dans un contexte de rapport au travail en tension. Il est apparu essentiel d’envisager une nouvelle vision du travail, qui passerait par un emploi durable, décarboné, utile socialement et territorialement. Et de rappeler que questionner le travail, ce n’est pas juste une démarche utopique : c’est aussi réfléchir à notre modèle de société et dans quelle société nous souhaitons vivre.

Dès lors, comment faire pour que ce qui nous préoccupe dans la vision de l’emploi, en tant qu’acteurs de l’ESS, puisse aussi préoccuper les politiques ? Plusieurs pistes de réflexion ont été amorcées : réaliser un travail d’écoute attentive des besoins et des aspirations du territoire, construire des indicateurs de la richesse territoriale, envisager une porte d’entrée institutionnelle (par le dialogue RSE ou RTE), mais aussi, chercher à mobiliser les individus à titre personnel, au-delà de leur fonction professionnelle, en les touchant, par exemple, dans leur indignation, et enfin envisager, dans certains cas, lorsque le dialogue se rompt, de ne pas dépendre des politiques, et de continuer à « faire », même sans eux.

Et de conclure, que la solution n’est probablement pas dans un modèle unique : elle se situera plutôt dans la façon dont les dispositifs dialoguent entre eux, s’hybrident, se fertilisent réciproquement, faisant écho à une notion de coopération entre acteurs sur un territoire.

 

  1. ESS et libertés associatives : questionnements suite à la mise en place du Contrat d’Engagement Républicain (Compte rendu à retrouver dans son intégralité en suivant ce lien)

Un atelier présenté par Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes, Centre de Recherches Juridiques (C.R.J.) et Jean-Baptiste Jobard, coordinateur du Collectif des associations citoyennes (CAC). 

Cet atelier a pu soulever des questions quant aux récents Contrat d’Engagement Républicain et Contrat d’Engagement Réciproque dans le cadre du RSA et la manière dont ils peuvent impacter les associations dans leur fonctionnement et leurs libertés. 

(Compte rendu à retrouver dans son intégralité en suivant ce lien)

 

  1. ESS et vivre ensemble : le contrat social peut-il devenir marchand ? 

L’atelier « Marchandisation du Social » a été l’occasion pour de multiples acteurs de l’ESS (associations, SCOP et SCIC) d’exprimer leurs difficultés à préserver leur indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics d’un côté et de la puissance financière de l’autre. La réduction des budgets publics consacrés aux dépenses sociales les fragilise. L’exigence de résultats remet leur légitimité en question et les met en concurrence. Les financements privés monnaient leur soutien en échange de l’adoption de nouvelles normes sociales. Les appels à projet et les commandes publiques concrétisent cette marchandisation. Ces mutations imposent une nouvelle organisation du secteur qui veut quantifier l’impact social des structures pour mieux les financer.

Pour une part, les acteurs du secteur imputent cette évolution à une présentation insuffisante de ce qu’ils sont et représentent. Il leur apparaît nécessaire de trouver de nouvelles solutions et de nouvelles directions pour ne pas dépendre à terme des grandes structures privées qui absorbent les petites, entraînent un surcroît de bureaucratie et uniformisent les réponses sans ancrage local.

 

 

 

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