Un projet porté par l'association Réseau Dédale, avec le soutien de VSArt et du CCAS de Grenoble.
Au mois d'octobre 2021, l'EHPAD Saint-Bruno a accueilli les artistes-intervenantes Anne Chopard-Lallier (photographe) et Coralie Simmet (peintre et illustratrice). Avec l'aide d'un groupe de bénévoles, elles ont coordonné et animé les ateliers artistiques : cartes postales, correspondance sonore, manifestation, maquillage.
Une série photographique de portraits des résidents parés de paillettes a été réalisée et exposée dans le quartier Saint-Bruno sur les murs de l'EHPAD et aussi de l'église, du supermarché, du collège...
Nous sommes allés à la rencontre des artistes.
Comment est né ce projet d'ateliers artistiques en EHPAD ?
Coralie Simmet : En parallèle de nos activités respectives, nous avons toutes les deux pratiqué le métier d'Auxiliaire de vie. C'est ce qui nous a donné envie de travailler ensemble auprès de publics invisibilisés.
Anne Chopard : Nous avons regretté le manque de temps. On effectuait les tâches du quotidien : principalement l'aide à la toilette, l'habillage, les repas, le ménage... Mais nous n'avions pas vraiment le temps d'échanger, de faire des activités artistiques, d'aller au cinéma... C'est ainsi qu'est née cette envie d'organiser des ateliers d'échange et de création.
CS : Comme on intervenait chez les particuliers à domicile, on s'est aussi rendu compte que les personnes étaient très isolées et qu'elles n'avaient pas beaucoup de famille ou d'ami.e.s qui leur rendaient visite. On s'est dit qu'on aimait les échanges intergénérationnels et que c'était l'occasion de créer des rencontres ou de soutenir des liens qui existent déjà. C'était aussi l'idée de bouleverser des stéréotypes que la société véhicule sur la vieillesse et les personnes âgées.
Comment avez-vous obtenu le soutien des différentes associations ?
AC : On s'est rapprochées d'associations qui interviennent auprès de publics invisibilisés. C'est là que nous avons été bénévoles auprès de VSArt qui propose des ateliers artistiques et occupationnels en EHPAD.
CS : On a aussi rencontré l'association Femmes Égalité qui milite pour les droits de femmes. En écoutant les femmes dans cette association, ça nous a confortées dans nos idées. On a donc rejoint Réseau Dédale (Alsace), pour qui sommes artistes-intervenantes, c'est une gouvernance partagée. Avec VSArt on est bénévoles, c'est un partenariat.
Et vous avez aussi été soutenues par le CCAS...
Par le biais de VSArt on a rencontré Françoise Tollard (animatrice à l'EHPAD de St Bruno), qui nous a présenté la directrice du CCAS. Cela nous a permis de leur montrer notre travail, et d'envisager des liens potentiels pour le futur. Françoise étant très active, elle stimule beaucoup d'associations pour intervenir à l'EHPAD. Le CCAS a souhaité la remercier pour son soutien aux personnes âgées, en particulier durant la COVID et elle a décidé de travailler avec nous. Son écoute des résidents a été également une grande aide car elle ciblait des personnes qui pouvaient être intéressées par les ateliers et en capacité d'y participer.
Quelles ont été les étapes de l'organisation du projet ?
CS : La rédaction a pris beaucoup de temps : rassembler nos idées, trouver les bons mots pour exprimer clairement nos intentions. Se positionner en tant qu'artistes intervenantes et non animatrices, c'était important pour nous de bien le formuler.
Avez-vous aimé organiser et animer ces ateliers ?
AC : C'était beau de voir les échanges entre bénévoles et résidents malgré la différence d'âge et de constater que les ateliers fonctionnaient bien. Le moment qui m'a marqué, c'est quand j'ai photographié Michèle (une résidente) dans le studio photo suite à l'atelier maquillage. Je lui demandais de penser à des choses qui lui faisaient plaisir pour la détendre, puis de mimer des émotions (joie, tristesse, colère) et ça a tellement bien fonctionné qu'elle a éclaté de rire. Elle était toute calme auparavant et elle s'est vraiment prise au jeu. Il s'est passé quelque chose d'humain et fort.
CS : J'ai adoré animer ces ateliers. J'ai énormément appris. C'était précisément la position sur-mesure que j'avais envie d'avoir, l'emploi parfait. J'étais à la fois artiste, proche des gens, avec le temps qu'il fallait. J'ai particulièrement aimé rencontrer les personnes chez elles, on a créé des liens forts. J'ai aussi aimé le fait de pouvoir rendre accessible la création à tout le monde. Pas besoin de savoir dessiner ou danser pour partager de beaux moments.
Avez-vous constaté des effets positifs lors de vos interventions ?
Quand on a fait les visites dans les chambres pour se présenter et présenter nos projets, on s'est rendu compte que les résident.e.s avaient vraiment besoin de parler, ils ressentaient une grande solitude. Au début, ces personnes âgées donnaient l’impression de ne pas se sentir dignes d'intérêt, de ne pas comprendre pourquoi on était là. Puis au fur et à mesure ce sentiment s’est estompé. C'est très sollicitant de devoir montrer autant d'enthousiasme au début, pour vraiment qu’ils y croient, mais ça en vaut la peine. Les visites extérieures, autres que la famille et les soignant.e.s leur font beaucoup de bien.
Qu'avez-vous appris de cette expérience ?
CS : J'ai appris que les personnes âgées étaient plus à l'aise en tête à tête, car elles ont une qualité d'écoute variable liée à leurs problèmes auditifs ou à leur concentration. Elles sont rapidement fatiguées. Donc le plus respectueux et le plus juste c'est de s’installer dans des grands espaces, où l'on peut s'entendre, être assez proches. C'est un paramètre important à prendre en compte car ça peut les pousser à baisser les bras, à se désinvestir. Même si nous portons le projet, l'intervention des bénévoles est essentielle pour prendre en charge un grand groupe.
AC : J'ai beaucoup appris sur le milieu associatif que je connaissais peu. On a fait de belles rencontres. J'ai constaté de nouveau la solitude en EHPAD. Il est grand temps que ça change et qu'on invite les jeunes à venir en EHPAD, qu'on y organise des fêtes, qu'il s’y passe des choses. Remettre l'EHPAD au cœur du quartier, que ce ne soit pas un lieu excluant où on laisse les gens de côté.
A propos de l'exposition photo : comment est venue l'idée du dispositif de présentation que vous avez choisi ?
Comme on parlait d'un public invisibilisé, c'était une invitation à les rendre visibles. On a installé l'exposition dans l'enceinte de l'EHPAD pour des questions d'accessibilité, mais on souhaitait aussi aller au-delà des murs de l'EHPAD.
Saint-Bruno est un quartier très vivant. Une exposition en plein air permettait de mettre en lumière ces personnes qui, elles aussi, vivent dans le quartier, font leurs courses, vont à l'église...
Notre angoisse était que les photos soient taguées, ça serait allé complètement à l'encontre de notre volonté. On imaginait mal une personne trouver son image abîmée, mais ça n'est pas du tout arrivé, donc c'était super. On ne sait pas si c'est dû à un grand respect des aînés, mais en tous cas les photos sont restées intactes alors qu'elles auraient pu être détériorées.
Quels conseils pourriez-vous donner à des personnes souhaitant s'investir dans des ateliers d'animation en EHPAD ?
CS : Ne pas hésiter à se mettre en lien avec des associations. On peut recommander fortement VSArt. C'est très sympa, très convivial. Il y a plein d'ateliers sur des thématiques différentes, des conférences, de la musique, il y en a vraiment pour tous les goûts.
Ce serait chouette également de voir davantage d'hommes s'intéresser aux personnes âgées, car principalement ce sont des femmes qui prennent soin des autres, qui s'impliquent dans ce genre de projets. C'est dommage car tout le monde est bienvenu pour faire du bénévolat et s'intéresser aux autres.
AC : On a aussi constaté que ces personnes étaient souvent retraitées. Il manque un peu de jeunesse.
Il faut aussi préciser qu'être bénévole ce n'est pas seulement faire une bonne action et partir. Je pense vraiment qu'on a à apprendre de l'autre et que c'est un échange. On apprend et on reçoit tout autant qu'on donne.
On a tous et toutes des personnes âgées dans nos vies, des voisin.e.s... C'est un bon moyen pour commencer à s'ouvrir aux autres, à faire connaissance, à débloquer des stéréotypes qu'on pourrait avoir sur des personnes âgées, ou en situation de handicap d'ailleurs.
Merci !
Hélène LUCAS pour Alpes Solidaires