Dans un premier article, nous nous sommes interrogés sur la question du financement de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS). C’est à ce sujet que nous avons rencontré Madame Laurence Ruffin, Présidente de l’Union Régionale des Scops Auvergne Rhône Alpes (Urscop), et Présidente Directrice Générale de la scop Alma, éditeur de logiciels métiers pour l’industrie et la santé . Elle nous a donné son point de vue sur le financement de l’ESS à travers l’exemple de Transméa.
Transméa : une société capital-investissement dédiée à la transmission
Lancée en novembre 2017, Transméa est née d’un constat : chaque jour, des entreprises sont liquidées alors même que leurs employés ont l’expérience et les compétences techniques nécessaires pour qu’elles continuent d’exister. Ces salariés ont donc une volonté entrepreneuriale mais n'ont souvent pas les moyens de racheter leur entreprise. Il s’agit donc de permettre à ces salariés de reprendre leur entreprise et d’en vivre, c'est l'objet de Transméa.
Le fait que Transméa relève du monde de l'Économie Sociale et Solidaire est loin d'être anodin : selon Laurence Ruffin « dans le domaine de l’ESS, on n’attend pas une rentabilité au même niveau qu’un fonds classique. Par exemple, l'objectif de Transméa est avant tout d’équilibrer les comptes ». Les financeurs associés à Transméa peuvent être la Région Auvergne Rhône Alpes ou des acteurs de l’ESS comme la NEF (Nouvelle Économie Fraternelle), l’union régionale des scops Auvergne-Rhône Alpes, la Macif, le Crédit Coopératif.
À la différence d’un fonds classique qui recherche l’optimisation financière, Transméa vise avant tout l’optimisation sociale, qui se traduit par la pérennisation des emplois et des savoir-faire sur le territoire. Le but est d’inscrire les entreprises accompagnées dans la durée. À chaque étape du processus, les porteurs de projets bénéficient d’un accompagnement aussi bien sur la mise en œuvre du projet que sur la montée en compétences techniques.
Qui est susceptible d’être financé ?
Les entreprises, les salariés de la région Auvergne Rhône Alpes, quel que soit leur statut, peuvent solliciter un financement.
Parmi les entreprises qui sont financées, près de deux tiers deviennent des scops. Les autres demeurent des entreprises de l’économie classique, porteuses de valeurs éthiques axées sur la place des employés dans la structure.
Les scops (sociétés coopératives de production) répondent à certains critères particuliers :
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La détention majoritaire du capital et du pouvoir de décision par les salariés.
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Des réserves impartageables et indivisibles. Près de 40% du résultat est consacré à assurer la pérennité de la structure, la consolidation des fonds propres et le développement de l’entreprise.
Parmi les entreprises accompagnées, citons l'exemple de Cifea Mkg, entreprise spécialisée en marketing relationnel et créée en 1982 à Rumilly, placée en redressement judiciaire. Rapidement, un collectif de salariés se forme et prend contact avec l’union régionale des scops et Transméa. Grâce au soutien de Transméa et d’autres acteurs publics ou de l’ESS, en moins de trois mois les salariés ont pu monter une offre pertinente de 4 millions d’euros pour le rachat de l’entreprise. Garante de la pérennité des emplois et des savoir-faire sur le territoire, cette offre a été acceptée par le tribunal de commerce. Depuis le 21 mars 2017, Cifea Mkg a rejoint le monde des scops.
Dans un prochain article, nous nous intéresserons à un projet de fonds d’investissement, cette fois qui a valeur d’expérimentation au niveau régional en vue de s’implanter sur tout le territoire, Coop Venture.
Jean-Benoit Daille pour Alpes Solidaires