Dans le cadre d'un cycle sur le financement de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS), nous avons interviewé Madame Laurence Ruffin.
Après nous être penché sur le fonctionnement de Transméa, nous nous intéressons aujourd'hui à un projet de fonds d’investissement pour les entreprises du numérique, CoopVenture, porté par la French Tech in the Alpes, l’Union régionale des Scops et Alma.
Les racines du projet
Le projet CoopVenture est né du constat que bon nombre d’entrepreneurs souhaitent créer des structures pérennes avec l’objectif de s’inscrire dans la durée, quand le modèle économique des investisseurs qui les financent passe à l’inverse par une revente rapide et au plus offrant.
De prime abord, l’univers des start-ups est perçu comme inconciliable avec l’ESS. Le risque pour l’entrepreneur est de se voir dépossédé de la structure qu’il a créé. C’est là que CoopVenture cherche à se positionner : financer des start-ups du numérique portant une vision à long terme et conforme à l’esprit de l’ESS. CoopVenture fait le pari de créer des ponts entre ces deux mondes.
Une étude de marché a été menée, elle a mis en lumière le fait que ces « start-uppers du long terme » ont besoin de financements spécifiques et d’un accompagnement sur le plan stratégique. Des discussions ont eu lieu entre la scop Alma, l’union régionale des scops Auvergne Rhône Alpes et la French Tech in the Alpes.
Quel relais pour trouver un financement ?
La French Tech in the Alpes est une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). S’appuyant sur un réseau de quelques 430 sociétaires, elle permet d’accompagner des projets innovants, favorables aux start-ups, dans le but de participer au développement économique et local, notamment en terme de création d’emplois. L’objectif est de doter le fonds d’un montant de 16 M € à l’ horizon 2023. Une phase pilote doit être lancée dès 2020 en Auvergne -Rhône Alpes.
Les partenaires financeurs du projet sont le mouvement coopératif, le Crédit Coopératif, la métropole de Grenoble, la communauté de communes du Grésivaudan, le Groupe UP (ex Chèque Déjeuner), la scop Idea Groupe et Alma.
Un fonds d’ investissement evergreen et coopératif
La particularité de CoopVenture est d’être un fonds evergreen et coopératif. Le terme evergreen désigne en botanique une plante qui garde ses feuilles vertes toute l’année. Transposé dans le monde du financement et de l’investissement, un fonds evergreen s’inscrit clairement dans la durée avec aucune date prédéterminée pour sa clôture.
Selon madame Ruffin, « on ne s’attend pas à ce que la structure qu’on a financée soit rentable tout de suite, la période de réinvestissement est très longue, minimum 7 ans, voir jusqu’ à 12 ans ».
Un fonds d’investissement evergreen est ce qu’on peut qualifier de système mutualiste : on est d’une part sur des durées longues et d’autre part, il y a une idée de retour sur investissement dans le fonds non sous forme de remboursement mais sous forme de capital.
Dans le cas du projet CoopVenture, une fois les entreprises accompagnées devenues rentables financièrement, elles réinvestiraient dans le fonds à leur tour. C’est ce qu’on appelle un système mutualiste. Financer comme du capital-risque les start-ups « éthiques », en basant le modèle économique sur la solidarité entre start-ups.Le fonds n’aura pas pour vocation de revendre les start-ups, mais les incitera à rester sur le territoire et à adopter des stratégies favorisant la pérennité.
Ce sont des start-ups qui réalimenteront le fonds au rythme que permettra leur croissance. Les plus florissantes investiront plus vite et permettront ainsi de financer de nouvelles entreprises, les autres pourront prendre le temps de trouver leur modèle avant de commencer à réinvestir dans le fonds.
Quel accompagnement ?
CoopVenture est actuellement en projet. Les dossiers de soixante start-ups ont été déposés. L’objectif est d’accompagner une dizaine de start-ups par an dans une première phase de construction de leur projet. Cela implique un accompagnement tant du point de vue financier que stratégique (montage du plan de financement, conseils stratégiques sur les pivots importants de l’entreprise).
Les entreprises qui vont être financées doivent porter un projet dans le numérique, développer une structure pérenne en terme d’emplois et de savoir-faire sur le territoire, et enfin accorder une place importante à leurs employés dans sa gouvernance.
À la différence de Transméa qui est un projet destiné à s’ancrer localement, CoopVenture fait valeur de test en vue d’un déploiement sur tout le territoire français. Différents acteurs sont intéressés par le projet mais il reste encore des financements et des partenariats à valider afin que le projet puisse aboutir.
Jean-Benoit Daille pour Alpes Solidaires