Dans le cadre du mois de l'ESS, l'association SEVE organise 5 rendez-vous autour des valeurs et pratiques de l'Économie Sociale et Solidaire: un cycle nommé l'ESSentiel. La troisième rencontre de ce mardi 19 novembre a pris pour thématique la gouvernance partagée. La soirée était animée par Benoist Blanchard, chargé de mission à Y-Nove, un programme inter associations et collectivités chargé d'accélérer les initiatives des 13-30 ans. L'atelier s'est avéré une véritable mise en situation qui a interrogé chaque participant sur sa posture et les enjeux d'une décision collective.
S'exercer à la prise de décision collective
Une douzaine de participants se sont retrouvés à la pépinière d'initiatives de l'Espace étudiant EVE du campus de Saint-Martin-d'Hères. Chacun, déjà impliqué dans une démarche associative ou en recherche de projets porteurs de valeurs, s'interrogeant déjà sur ses pratiques de gouvernance, dont le partage n'est pas aisé mais nécessaire pour que le projet continue de correspondre aux aspirations de chacun et du groupe qui le portent.
La soirée a débuté par un exercice d'échauffement : le débat mouvant, où les réponses des participants étaient matérialisées par leur position autour d'une ligne. La suite a tourné autour d'une réponse à trouver collectivement : le groupe se voit confier 500€, que va-t-il en faire ? Chacun y allant de ses propositions, il a ensuite fallu trouver des biais pour se mettre d'accord. La « prise de position » se matérialisait encore une fois dans le regroupement des gens par affinité de projet.
Chaque étape a surtout montré qu'une prise de décision collective commence par des questions préalables : quels sont les critères que l'on peut mettre en commun pour définir qu'un choix est meilleur qu'un autre ? Quelles sont les modalités de vote ? - à bulletin secret ou à main levée ; s'il s'agit d'une élection est-ce qu'elle se fait avec ou sans candidat ? Si une décision est en balance, est-ce que la majorité suffit ou est-ce que l'on procède à un nouveau débat pour tenter de se rapprocher d'un consensus ? Chaque décision doit-elle au contraire remporter l'adhésion de tous ? Est-ce que toutes les décisions doivent se prendre de manière partagée ?
Ces mêmes questions qui émergent à mesure du processus de décision requièrent elles-mêmes des réponses à quelques fondamentaux : sur quoi est-ce que l'on vote ? Qui peut voter ? Dans le cadre d'une association par exemple : est-ce que des adhérents peuvent voter du fait de leur statut d'adhérent, de par leur implication, faut-il être nécessairement membre du bureau ?
Autant de modalités et de questions préalables à la prise de décision qui permettent d'asseoir la légitimité de la décision finale. L'atelier a su montrer que le partage de gouvernance est possible mais demande un certain apprentissage et un questionnement de chacun sur sa posture. Chaque participant étant en outre invité à faire part de sa propre expérience dans son association, cette soirée s'est révélée très riche en échanges et en questionnements à la fois individuels et collectifs. La leçon qui semble en ressortir principalement est que chaque groupe trouvera sa propre voie : la gouvernance partagée ne s'impose pas comme un modèle unique mais se vit comme une multiplicité d'expérimentations collectives.
Y-nove, un terrain d'expérimentations Benoist Blanchard s'est inspiré de sa pratique quotidienne à Y-Nove pour animer cet atelier. Y-Nove est le programme d'une quarantaine d'associations et de collectivités territoriales au niveau de l'agglomération grenobloise regroupées pour répondre aux besoins de la jeunesse : il s'agit de permettre aux 13-30 ans de co-construire les actions dont ils peuvent bénéficier, et notamment de voter pour des dotations financières concernant les projets qu'ils veulent soutenir (à lire notre article sur cet accélérateur d'initiatives). Y-Nove est donc chargé pendant 5 ans de mener de véritables expérimentations en gouvernance partagée dans le but d'initier une démarche participative dans laquelle les jeunes sont acteurs plus qu'usagers.
L'association a notamment fait le choix d'ouvrir les votes à chaque jeune qui viendrait à une commission, même pour la première fois. Sachant que les dotations peuvent aller de 3000 à 20.000 euros, le vote donne à chacun un véritable pouvoir. Et si 40 d'entre eux débarquent pour soutenir leur propre projet ? La démarche peut paraître risquée en terme de démocratie. Une telle mobilisation montrerait surtout un réel engouement et que les porteurs de projets sont motivés et efficaces dans leur communication… Y-Nove a posé quelques garde-fous, tels que le droit de veto du conseil d'administration, et préfère ainsi miser sur un trop-plein de participation.
Si vous voulez en savoir plus sur le programme Y-Nove, Alpes Solidaires en a fait le protrait : Y-Nove : accélérateur de projets par et pour les jeunes !
Benoist, l'animateur représentant de Y-nove, est vraiment enthousiaste à vivre ces expérimentations collectives qui montrent que la décision partagée est un véritable levier de motivation pour la jeunesse. L'assemblée à ses côtés a ce soir été ravie de se prêter au jeu de la remise en question individuelle et collective.