Ce potager solidaire, conçu par et pour des migrants, est sorti de terre en 2021 dans le parc des berges de l’Isère
Créer du lien autour du travail de la terre, telle est l'ambition de ce projet né d'une amitié, celle de Florence et Alpha, fondateurs de l'association Un Jardin Sans Frontières. En 2019, ces passionnés de cuisine ont l’idée de créer un espace de culture de légumes d'ici et d'ailleurs, éco-responsable, à destination des personnes migrantes et non migrantes où chacun peut cultiver et consommer ses récoltes.
Soutenus par le Secours Catholique et l'Apardap (Association de Parrainage Républicain des Demandeur-ses d’Asile et de Protection), les deux amis décident la même année de proposer leur projet au Budget Participatif de la Ville de Grenoble, dont il devient lauréat. L'aide financière de la Ville permet l'aménagement de potagers, serres, ruches et containers sur près de 3000 m² de terrain étendu le long de l'avenue Valmy à Grenoble.
Un espace ouvert à tous sans condition d'accès, qu'il s'agisse de passionnés de jardinage, de promeneurs curieux, de personnes migrantes ou de bénévoles venus prêter main forte.
Le jardin se divise en :
➔ trois parcelles collectives : une parcelle de cultures africaines, une parcelle d’essai (en permaculture) et une parcelle « agriculture raisonnée »
➔ une parcelle libre-service, accessible à tous, ouverte aux projets des habitants
Près d'une vingtaine de jardiniers réguliers, amateurs ou confirmés, entretiennent le lieu et jouissent d’une production abondante. Pour Denise, bénévole engagée, difficile d'estimer la quantité produite tant le jardin est prolifique :
« Deux fois par semaine, les gens repartent avec des cagettes voire
des remorques pleines de légumes ».
Une terre fertile qui donne vie à de nombreuses espèces de légumes d'Europe et d'Afrique, mais avant tout à des rencontres fortes.
« C'est un jardin extraordinaire. Il est polyculturel dans tous les sens du terme. Polyculture des légumes mais aussi polyculture des gens, car il y a des personnes d’horizons et d’âges très variés. C'est ce qui fait la richesse de ce lieu », poursuit Denise.
L’humain au cœur du projet
Depuis sa réalisation en 2021, ce grand espace potager voit naître dans ses allées verdoyantes, nommées en hommage aux cinq continents, des connexions humaines intergénérationnelles et multiculturelles qui dépassent les barrières de la langue, où bénévoles et migrants partagent leur passion et transmettent leurs savoirs. Plus qu'un jardin, il s'agit d'un véritable lieu d'accueil, d’écoute et de bienveillance envers ces personnes aux parcours divers, déracinées de leurs familles, ayant fui leurs pays dans des conditions souvent difficiles.
« Je prends beaucoup de plaisir à jardiner ici. Au-delà du jardinage, il y a des temps de convivialité, de partage, on rit beaucoup. Ce qui me tenait le plus à cœur était d’apporter des légumes du Congo-Kinshasa, d'où je viens, du Congo-Brazza, de la Guinée Conakry, du Tchad, de la Côte d'Ivoire » raconte Dady, qui a découvert le jardin grâce à l'Apardap.
Les récoltes sont distribuées à de nombreuses associations telles que Point d'Eau, le Diaconat Protestant, le Secours Catholique, l'Apardap ou encore la Brigade de Solidarité Populaire du quartier de l'Abbaye à Grenoble, qui proposent des repas sains et gratuits à leurs bénéficiaires. Elles sont aussi consommées sur place lors de repas festifs organisés par l'association, et données à volonté aux jardiniers qui désirent en récupérer.
L’association étend son action auprès des migrants en les impliquant également dans la gestion de la structure. En effet, le corps administratif de l’association est constitué de binômes entre personnes migrantes et non migrantes. Christophe et Alpha sont les co-présidents, Gérard et Fofana sont les co-trésoriers et Florence et Tounkara sont les co-secrétaires.
L’ambition d'Un Jardin Sans Frontières est de créer du lien social, de redonner estime et fierté aux personnes, d'encourager l'autonomie alimentaire des bénéficiaires en limitant leur dépendance aux dons, de créer des compétences, conserver son savoir et le développer avec une perspective de réinsertion professionnelle en milieu agricole. Des formations en permaculture, compostage, apiculture, autour du développement durable sont ponctuellement proposées par la Ville de Grenoble.
Grâce au soutien de la Ville et du tissu associatif grenoblois, le jardin continue de croître et fructifie ses activités. L'association propose de nombreuses activités et élargit son champ d'action par le biais de partenariats avec plusieurs structures, comme Althea. Cet organisme mandaté par l'Etat, accompagne et héberge les personnes en situation de grande précarité et les victimes de la traite d'être humain, dont la santé est parfois fragile. Auprès de Jardin Sans Frontières, elles apprennent à cuisiner et à manger sainement.
Un partenariat a également été signé, entre autres, avec Ocellia (anciennement l'IFTS), centre de formation des métiers médico-sociaux. Les élèves sont invités à se rendre sur place, l'occasion pour eux d'apprendre les bases du jardinage et de rencontrer un public qu'ils n'ont pas l'opportunité de rencontrer ailleurs.
« On est très heureux que ça marche, cette année il y a eu plein d'activités, c'est ce qui fait la vie, l'amour... Beaucoup viennent ici quand ils ont le bourdon, j'appelle ça le jardin du bonheur » conclut Carmen, bénévole depuis la création du projet et figure emblématique du jardin.
Écrit par Soumya Aribi